Climatisation, un fléau pour l’environnement

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La demande en air conditionné explose dans le monde sous l’effet de l’élévation des températures. Mais paradoxalement le recours à la clim renforce les changements climatiques

Jamais la terre n’a connu un mois aussi chaud qu’en juillet 2016, d’après des données révélées en début de semaine par la NASA. Alors que des températures records avaient déjà été enregistrées au cours des six premiers mois de l’année, 2016 est en bonne voie pour devenir l’année la plus chaude de l’histoire des mesures météorologiques.

 

Pas étonnant dans cette situation que la demande en climatisation explose à travers le monde. Elle pourrait être multipliée par 30 d’ici à la fin du siècle, d’après une estimation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Or si les climatiseurs permettent de moins souffrir des effets du réchauffement climatique, ils contribuent aussi à le renforcer! Principalement en cause, les fluides réfrigérants utilisés dans ces installations, qui émettent des gaz à effet de serre.

Le recours au froid artificiel est un phénomène récent, mais qui fait désormais partie du mode de vie de certains pays développés comme les Etats-Unis. Plus de 90% des maisons américaines sont équipées de l’air conditionné, et ce secteur représente 6% de l’énergie consommée dans le secteur résidentiel américain. Le phénomène reste moins développé en Europe et notamment en Suisse où l’air conditionné, bien qu’en progression, ne représente qu’environ 1% de la consommation énergétique des ménages, loin derrière le chauffage (65%).

Enorme potentiel

Mais l’inquiétude provient aujourd’hui des pays émergents, qui représentent un énorme potentiel pour le développement de la climatisation, en raison à la fois de l’élévation des températures moyennes mais aussi de celle du niveau de vie de leurs populations. «En Chine, par exemple, les ventes de climatiseurs ont presque doublé au cours des cinq dernières années. Désormais plus de 60 millions de climatiseurs sont vendus chaque année en Chine, plus de huit fois plus qu’aux Etats-Unis», rapporte Lucas Davis, de l’Université de Californie à Berkeley, dans un article publié par le site «The Conversation».

Cet économiste, auteur d’une étude parue dans la revue «PNAS», cite l’Inde, la Chine, l’Indonésie et le Nigeria parmi les pays ayant le plus fort potentiel d’adoption de l’air conditionné. L’impact de ce changement de mode de vie dans des pays aux immenses populations se fera ressentir au niveau mondial. Une évaluation menée en 2009 par des chercheurs de l’Agence environnementale néerlandaise avait conclu que d’ici au milieu du siècle, la quantité d’énergie utilisée dans le monde pour le refroidissement sera supérieure à celle utilisée pour le chauffage.

Que de plus en plus de gens aient accès à la climatisation est en partie une bonne nouvelle. La clim favorise l’activité économique et réduit la mortalité, notamment chez les personnes âgées. Mais l’air conditionné pêche d’un point de vue environnemental. D’abord, les climatiseurs consomment de grandes quantités d’électricité. Et ils sont encore souvent alimentés par des sources d’énergie qui émettent de grandes quantités de CO2.

Certes, il existe des pistes pour améliorer le bilan énergétique de ces équipements. «En rafraîchissant l’air au minimum confortable, et en abaissant ainsi la différence de température entre l’extérieur et l’intérieur, on réduit fortement la consommation des climatiseurs. Ces derniers peuvent par ailleurs être alimentés par des sources renouvelables d’énergie comme le solaire», souligne Daniel Favrat, directeur des technologies au Centre de l’énergie de l’EPFL.

Gaz réfrigérants

Mais en plus ces équipements utilisent des fluides réfrigérants qui sont eux-mêmes de puissants gaz à effet de serre. «En théorie, ces gaz ne doivent pas sortir des climatiseurs, mais dans la pratique, sur la durée de vie d’un équipement, il y a presque toujours des fuites, que ce soit au cours de la fabrication, de la maintenance, ou lors de pannes», souligne Blaise Horisberger, spécialiste des fluides réfrigérants à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Ces fluides ont déjà une longue histoire de réglementation derrière eux.

Les chlorofluorocarbures (CFC), première génération largement utilisée dans le monde, ont été prohibés en 1996 dans le cadre du protocole de Montréal, en raison de leur effet destructeur pour la couche d’ozone. La génération actuelle de réfrigérants, les hydrofluorocarbures (HFC) n’est pas nocive pour l’ozone mais dangereuse pour le climat – certains composés sont jusqu’à plusieurs milliers de fois plus «réchauffants» que le CO2!

Après des années de discussion, l’inclusion des HFC dans le protocole de Montréal – et donc leur élimination progressive – devrait normalement être décidée au mois d’octobre prochain lors d’une réunion à Kigali au Rwanda. Mais les climatiseurs n’en deviendront pas pour autant écolos. «Certains des nouveaux gaz qui prendront le relais, appelés HFO, ont bien un très faible potentiel d’effet de serre, indique Blaise Horisberger. Cependant, aucun composé n’est parfait. Un des produits de dégradation des HFO présente un pouvoir herbicide et persiste très longtemps dans l’eau et les sols.» Il faudra par ailleurs un certain laps de temps pour que tous les équipements actuels soient remplacés. Sans compter que certains fluides interdits dont les CFC continuent d’être utilisés de manière frauduleuse dans certains pays…

Une meilleure adaptation de l’architecture

«La climatisation est un thème important de la lutte contre les changements climatiques, qui va encore prendre de l’ampleur dans les années à venir», estime Martine Rebetez, climatologue à l’Université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL. Qui plaide pour une meilleure adaptation de l’architecture face aux changements climatiques: «L’isolation et le choix des matériaux utilisés, mais aussi la possibilité de protéger les fenêtres contre le rayonnement solaire avec des volets ou un avant-toit, sont autant de solutions permettant de réduire fortement les besoins en climatisation», relève-t-elle. Une composante à prendre en compte aussi en Suisse, où les périodes de forte chaleur vont se multiplier au cours des années à venir.

 

 

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