Froid : la distribution passe peu à peu aux gaz propres

La réglementation sur les fluides froids (HFC) fait la chasse aux gaz polluants, dont le R404A. Les distributeurs ont conscience de ces évolutions réglementaires, mais tous ne sont pas encore dans les clous, notamment chez les indépendants.

Dans son dernier concept, Lidl mise uniquement sur des meubles en froid logé.
Dans son dernier concept, Lidl mise uniquement sur des meubles en froid logé.© © Romain Saada/Andia

L’interdiction tombera officiellement en 2020, mais continuer à utiliser aujourd’hui du R404A pour sa production de froid devient déjà compliqué. Ou, plus exactement, la facture s’alourdit… En effet, en 2014, l’Europe a décidé via la réglementation F-Gas d’interdire progressivement l’usage des HFC (hydrofluorocarbures) les plus polluants afin de limiter le réchauffement climatique. Et cet arrêt pro­grammé entraîne une envolée des prix des fluides ! « Le R404A coûtait 92,54 €/kg en janvier 2018 contre 13,72 €/kg en janvier 2017, c’est-à-dire une augmentation de près de 575 %, indique David Bioche, directeur marketing et grands comptes chez Panasonic Chauffage, Climatisation et Réfrigération. Or, pour une grande surface, on est sur des quantités qui tournent autour de 50 à 60 kg. La moindre fuite coûte donc extrêmement cher au magasin. »

La proxi au pied du mur

Cette augmentation tarifaire devient une pression supplémentaire pour inciter les distributeurs à faire évoluer leur linéaire froid. Pour tous les magasins construits après 2015, cette évolution réglementaire a pu être anticipée par les enseignes, donc il n’y a pas, ou peu, de conséquences. Pour les hypermarchés et les gros supermarchés, pas de réel problème non plus car la migration s’est également faite depuis des années vers des installations fonctionnant au CO2. Ces systèmes offrent un gain d’efficacité énergétique de 40 à 50 % par rapport aux systèmes fonctionnant aux HFC. En linéaires, cela se traduit par des tailles de meublesplus importantes, bénéfiques pour la présentation des produits.

In fine, ce sont les supermarchés et les magasins de proximité qui se révèlent les plus concernés par cette évolution réglementaire. Et pour Cécile Marty, trade marketing manager du groupe Epta, « en France, on attend souvent d’être au pied du mur pour changer. Sur les 30 000 meubles en groupes logés, 90 % utilisent encore des gaz polluants. » Même analyse pour Guillaume Grolier, directeur commercial d’AHT Cooling Systems France, spécialisé dans les meubles au propane : « Même si nos solutions sont référencées chez E. Leclerc, Système U ou encore Intermarché, nous devons faire de la pédagogie car ces réseaux rassemblent plus de 5 000 indépendants ! »

Pour répondre aux nouvelles doléances écologiques, les distributeurs peuvent utiliser des gaz de substitution. Du côté de Villeurbanne, dans le Rhône, Stéphane Liard, à la tête de l’Intermarché Express Magenta, a pris cette option pour raison économique : « Cela me revient moins cher que de changer tout le système, l’opération me coûtant 30 000 €. » Même solution chez Francap, qui rassemble de nombreux indépendants sous les réseaux Coccinelle, Diagonal ou encore G20. « Pour les groupes à distance, nous n’équipons plus qu’en R134 ou A448/449 en attendant le réexamen de la réglementation F-Gas en 2022 », précise Philippe Avier, responsable marketing et enseigne.

Trouver des solutions pérennes

Cette évolution réglementaire programmée inquiète en effet les distributeurs… On sait d’ores et déjà, en revanche, que la substitution n’est qu’une solution temporaire car tous les fluides dont le pouvoir de réchauffement global (PRG) sera supérieur à 750 seront interdits en 2025, ce qui inclut les HFC qui peuvent actuellement remplacer le R404A.

Chez Intermarché, la direction planche sur le sujet pour trouver une solution pérenne. « Nous travaillons actuellement avec des experts pour savoir quelle solution choisir afin d’avoir un retour sur investissement le plus rentable possible sur le long terme, souligne Frédéric Betton, chargé de la proximité rurale, qui rassemble 305 magasins. Les investissements pour les meubles froids se font pour au moins sept ans, donc on ne veut pas se tromper. Nous craignons les futures évolutions des textes de loi et avançons sur la pointe des pieds. Néanmoins, nous prévoyons pour la rentrée de septembre de présenter un cahier des charges avec les procédures pour embarquer tous les adhérents. »

Les gaz propres représentent la solution la plus pérenne, à savoir des meubles au propane pour les groupes logés, ou des versions au CO2 avec une centrale déportée. Les deux ont un faible PRG, 20 pour le premier et 1 pour le second. Mais, au-delà du fluide utilisé, c’est l’installation nécessaire qui va aiguiller le choix. Les solutions de froid au CO2 ne peuvent se faire qu’en passant par une centrale, le froid étant transporté par des tuyaux sous forte pression. La problématique principale sera de savoir où positionner le module qui fabriquera le froid. Il faut parfois se battre avec les copropriétés pour les implantations en centre-ville…

Nouvelle réglementation incendie

Pour les plus petites surfaces, ou pour les besoins de petits bacs pour exposer les promotions, par exemple, les groupes logés prennent l’avantage car ils sont autonomes (lire ci-dessus). D’ailleurs, le groupe Lidl a pris la décision, au niveau international, de basculer tous les meubles froids pour son dernier concept sur des solutions avec des groupes logés au propane. La raison ? Le distributeur voulait aller vite dans le développement de son maillage, en Europe mais aussi aux États-Unis.

Le choix ne se révèle donc pas simple pour les distributeurs et il n’y a pas vraiment d’écart dans les investissements à faire. Dans les deux cas, les solutions demandent un financement supérieur à des installations au R404A… Et pour amplifier un peu le dilemme, la nouvelle réglementation incendie, publiée en début d’année en France, vient changer la donne. Désormais, elle autorise que la quantité de gaz inflammable par appareil atteigne 1,5 kg, contre 150 g auparavant. Concrètement, cela signifie que les industriels devraient rapidement sortir des meubles à groupe logé avec des performances supérieures… Heureusement, il reste encore deux ans pour faire ses choix ! ??? Clotilde Chenevoy

Une interdiction progressive

L’Union européenne a adopté en 2014 un règlement, dit F-Gas, pour prévenir les effets climatiques indésirables (effet de serre). Pour la réfrigération commerciale, les changements interviennent en 2020, avec l’interdiction de mise sur le marché des fluides les plus polluants comme le R404A ou le R407. En effet, ces deux derniers ont un pouvoir de réchauffement global (PRG) respectif de quasiment 4 000 alors que le CO2 est, lui, à 1. Leur interdiction totale interviendra en 2030. Une révision du règlement F-Gas est également prévue en 2022, avec d’autres fluides qui deviendront proscrits. L’objectif final consiste à baisser les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 de 80 à 95 % par rapport au niveau de 1990.

Quel meuble froid choisir ?

Les groupes non-logés au CO2

Avantage : l’usage d’une centrale déportée pour alimenter les meubles permet d’obtenir une installation plus puissante, et donc des meubles plus larges. Cela profite au merchandising car le volume de chargement est plus grand.

Inconvénients : les installations coûtent plus cher qu’un système avec du R404A. Des travaux sont nécessaires pour relier les meubles à la centrale. Un espace doit être alloué pour installer le compresseur, plus ou moins gros selon sa puissance.

Les groupes logés au propane

Avantages : les meubles étant scellés en usine, ils arrivent prêts à brancher dans les magasins. Comme ils sont autonomes, leur implantation est simplifiée.

Inconvénients : la taille des mobiliers reste pour l’instant réduite, puisque la teneur en propane ne pouvait pas, jusqu’au début de l’année, dépasser 150 g par boucle. Les installations coûtent plus cher qu’un système avec du R404A.

 Source : lsa-conso

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